LE VERSANT OBSCUR DES CORBEAUX (extraits)

Ton beau tombeau
Et le regard déchiffré de cette vierge qui coule dans mes rêves
Comme si j'étais revenu de mes morts et de mes naissances
Comme si je sortais de tes bouches charnues vers ma pupille grisée dans la vue de mes semblables
Avec cette soudaine déchirure de ma vessie jugulaire
Et ce bonheur qui transpercera mes larmes avec un orage de fin d'été

Ma voix sautille dans l'espace ténu des jours
bondit sur les joues de cette beauté éphémère qui m'hallucine
et retombe creuser le tombeau de ma chair
Je prends la vie de cet ange, je piétine, je me piétine
Mais je reste à la porte de la vie de cet ange
Son regard dans mon regard, sa bouche entrouverte à la pluie
qui traverse le ciel en lambeaux de ces enfances hachurées
Je me brûle la langue au seuil de ton cœur
Dans la douceur de l'ange sous une pluie sans ciel
Comme une profondeur de lumière dans la profondeur de ton cœur

Ton beau tombeau peuplé de corbeaux et de leur sang obscur
Un râle dans son agonie
Les museaux des hommes soufflent dans leurs os, soulèvent une tempête, une bribe de tempête pour les rapprocher de leur tombeau
Et compliquer ta complainte
Comme si tu étais mon fond de lumière
/
Ma lumière éteinte dans le fond

Mais comment m'extraire du corps de ma parole et me répandre sur ces chimères oisives
qui me confondent avec mes racines
Mes racines saoules. Mes racines souillées
Mes racines baladeuses à travers ce fouillis de chair
qui me recrachent comme ça de langue en langue, de porte en porte
/
Et ce désir sans rage dans la paume des passants
qui passent
comme une goutte de pluie dans la bouche de l'ange

©Seyhmus Dagtekin - Le Verbe temps, Le Castor Astral 2001
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